Les pêcheurs aux cormorans
Je me souviens avoir vu il y a plusieurs années dans un magazine un superbe article mettant en avant l’authenticité de la scène et des images venues d’un autre temps. Une barque en bambou, des pêcheurs avec leurs cormorans dans la pénombre éclairé par une lampe à pétrole, ambiance magique… J’en ai rêvé, j’ai voulu vivre ce rêve et pêcher avec eux.
La technique consiste à dresser son oiseau et lui poser une ligature à la base de la gorge pour l’empêcher d’avaler les plus gros poissons qu’il attrape. La lanterne permet aux cormorans de voir les poissons à la surface.
Ensuite le pêcheur récupère les poissons restés dans la gorge de l’oiseau.
Cette tradition a bien existé, mais la réalité de cette pêche est un peu différente de ce que j’ai pu imaginer.
Aujourd’hui ce cliché « carte postale » est possible, mais moyennant finance. Explications…
J’ai rencontré ce pêcheur sur la berge ou de nombreuses embarcations touristiques font escale dans la journée. Il est simplement là, à attendre de se faire prendre en photo pour 30 Yuan (4 euros). Cette image ne m’intéresse pas, je lui propose de me rejoindre le lendemain matin à 5 heures pour faire des images de nuit sur une autre partie de la rivière Li. Il accepte bien volontiers, mais me fait comprendre que cela me coûtera 200 Yuan (22 euros). Je me retrouve face à cette réalité monétaire que j’évite autant que possible dans les rencontre que je peux faire en voyage. Mais là je comprends que ce vieil homme a besoin de vivre et de s’occuper de sa famille et j’ai très envie de photographier une tradition qui a existé de son vivant. J’accepte donc son marché.
Le lendemain, notre pêcheur est au rendez-vous, avec sa lampe à pétrole, sa barque en bambou et ses oiseaux. Nous passons deux heures ensemble, à discuter. Il me raconte son histoire, son métier, m’explique les techniques de pêche et m’en fait la démonstration. Il me raconte les changements liés aux développements du tourisme, et la pollution engendrée par le développement économique de son pays.
Je profite de cette matinée en sa compagnie pour faire de belles images.
Je rentre comblé d’avoir pu réaliser un rêve, celui de vivre l’expérience de la pêche aux cormorans.
Les cormorans de mon ami le pêcheur sont libres, et reviennent d’eux-mêmes au bateau. La relation entre le pêcheur et l’animal me semble plutôt saine. Mon ami le pêcheur parle de ses oiseaux avec affection, j’apprends qu’ils ont 13 ans.
Suite de l’histoire moins sympa mais qui s’inscrit bien dans une des réalités économiques du tourisme.
J’apprends plus tard dans ma guest house qu’il existe un endroit spécial pour photographier les pêcheurs, dans une autre ville. Je décide de m’y rendre pour compléter ma série d’image et re-visiter mon rêve d’enfant. En arrivant sur les lieux je découvre un peu déçu une 50 aine de chinois en train de photographier un pêcheur qui fait un show. Ok, c’est aussi une des réalités du tourisme, l’on est pas toujours seul à vouloir rechercher l’authentique.
Je comprends ensuite que les oiseaux sont attachés et ne peuvent s’envoler ou nager librement.
Mais mon rêve s‘effondre complètement quand je commence à me faire insulter par un guide, car je n’ai pas payé le droit d’être ici ! Je décide de quitter cet endroit ou je ne suis clairement pas le bienvenu.
Voilà quand même les quelques images réalisées avant de me faire insulter.
Ami photographe voyageur, si toi aussi tu veux rencontrer ces pêcheurs, évite absolument de passer par des intermédiaires, ou par une agence. Essaye de communiquer directement avec un pêcheur si tu en rencontres un, et propose-lui d’aller pêcher ensemble très tôt le matin. Il sera certainement d’accord de te montrer ce qui a été dans le passé son métier. Le souvenir et l’instant partagé seront bien meilleurs qu’un shooting en groupe, ou chacun pousse des coudes pour faire sa photo et où tu devras payer un guide et une multitude d’intermédiaires pour photographier un acteur qui attache des oiseaux.
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